François BAYROU - Candidat UDF

Question 1 : La France, pôle d’excellence cynégétique

Par la diversité de ses territoires et de ses modes de chasse, par son organisation associative et administrative, par son éthique, son caractère démocratique et sa convivialité, la chasse en France est très largement considérée en Europe comme un exemple. Pouvez-vous vous engager à conduire une politique volontariste pour maintenir notre pays dans sa vocation de pôle d’excellence cynégétique ?

Activité aussi vieille que l'humanité elle-même, la chasse telle que nous la connaissons aujourd’hui trouve ses racines dans la révolution française. La chasse d’aujourd’hui fait donc partie de l'héritage culturel de notre société, elle incarne une tradition vieille de plus de 200 ans. Son lien avec la République est ancien et donc extrêmement fort. Le fait que la France ait le plus grand nombre de chasseurs en Europe n’est sans doute pas un hasard même si c’est aussi parce que les chasseurs ont réussi à la faire évoluer au long de ces deux siècles. Je suis convaincu de son utilité, de son importance et de la nécessité de la défendre et de l’aider à évoluer.

Nous avons déjà mené ensemble beaucoup de batailles pour maintenir un équilibre entre deux extrémismes, celui des intégristes de la non-chasse et celui des partisans de la chasse extrême. Grâce à ces combats au Parlement et dans les médias, les mentalités ont évolué dans le sens tout à la fois du respect mutuel et de la sagesse. Soyez assuré que je continuerai dans cette voie.

Question 2 : la dimension démocratique et populaire de la chasse

La chasse n’est pas réservée à une élite de la naissance ou de la fortune : elle est largement pratiquée par toutes les catégories sociales et professionnelles regroupées en 70 000 associations qui participent à l’animation des communes rurales. Le maintien de sa dimension populaire implique que l’Etat maîtrise les coûts financiers qu’il impose aux chasseurs et qu’il préserve les 10 000 A.C.C.A. (associations communales de chasses agrées) contre les offensives qui les menacent. Partagez-vous cette analyse et entendez-vous vous attacher à maintenir cette authenticité démocratique en maîtrisant les coûts et en préservant le modèle des A.C.C.A. ?

Comme vous le soulignez, la chasse est l’un des symboles de la conquête des droits et libertés de nos ancêtres et parmi eux le droit de propriété. Avec la Révolution, elle perd son symbole de domination et s’étend alors progressivement à toutes les couches de la société.

Aujourd’hui, c’est une pratique qui rassemble toutes les catégories sociales et professionnelles confondues. Les 1,4 millions de chasseurs sont un véritable miroir de la France dans toute sa diversité, diversité des pratiques, diversité des hommes, diversité des environnements, diversité des origines. Et c’est cette diversité qui fait vivre notre démocratie.

Les A.C.C.A. qui font vivre notre chasse locale, au plus près des hommes et des territoires doivent être soutenues. Je suis conscient de l’utilité du dispositif des associations de chasse agréés là où il existe. Le rôle de l’Etat dans la reconnaissance de leur action doit passer par une sécurisation financière passant par une sécurisation juridique au niveau du droit communautaire.

Question 3 : la chasse outil de développement rural et économique local

La chasse en France représente un poids économique significatif qui est estimé annuellement à 2,2 milliards d’euros et à 23 000 emplois directs. A titre d’exemple, en 2002, la location du droit de chasse, attribut du droit de propriété, représente 5 à 10% des revenus de l’Office national des forêts et bien plus dans certains massifs privés. De nombreux emplois sont aussi générés de façon indirecte dans le domaine du tourisme, de la restauration, de l’hôtellerie, des chambres d’hôtes, du petit commerce, de la valorisation des produits locaux, des filières venaison, vétérinaires, armurerie, élevages etc…

Seriez-vous disposé à engager une politique de soutien aux initiatives et projets basés sur une chasse durable, qui permettraient de renforcer le tissu économique et social des zones rurales, par une diversification, via la chasse, des activités agricoles et forestières ?

La chasse est en effet un véritable outil de développement économique du monde rural par les emplois qu’elle crée, le tourisme qu’elle entraîne, l’agriculture qu’elle protège grâce aux mesures agro-environnementales dont il conviendrait qu’elles soient ainsi intégrées dans la Politique Agricole Commune. Certains veulent créer des « sanctuaires » où l’homme n’aurait pas sa place. Désigné comme zone « particulièrement fragile » ou « zone protégée », ils attirent l’attention sur eux, au détriment d’autres zones, peut-être moins fragiles mais qui mériteraient tout autant qu’on s’en occupe. Ces sanctuaires sont déconnectés de cette réalité économique et leur mise en place crée inévitablement un déséquilibre territorial. Ils empêchent l’essor et le développement de certains territoires qui en ont pourtant profondément besoin. Il faut donc envisager la chasse comme un outil au service d’un développement durable et équitable de nos territoires et de nos campagnes et donc encouragez les actions des chasseurs allant dans ce sens.

Question 4 : la chasse, outil de gestion de l’environnement

La loi reconnaît la contribution de la chasse à la gestion équilibrée des écosystèmes en raison de son action en faveur de la protection des biotopes et de la gestion des espèces. Pouvez-vous vous engager à conforter cette vocation environnementale de la chasse en poursuivant une politique qui lui permette de continuer à gérer, pour le bien commun, les espaces et les espèces dans un but cynégétique ?

Pour certains, chasse et environnement ne s’accordent pas. Ce sont en effet bien souvent des intégristes voire des extrémistes de l’environnement qui entretiennent l’image négative de la chasse. Pourtant, comme vous le soulignez, la loi reconnaît à la chasse un rôle de gestion de la nature et de la biodiversité. La chasse contribue en effet à gérer la faune, traumatisée par l’expansion des villes, par une agriculture qu’on oblige à être toujours plus productive et par la réduction de leur habitat naturel. Elle obéit à des règles de prélèvement et permet de réduire les dommages que, notamment, des grands animaux peuvent causer. Ceux qui font des chasseurs des boucs émissaires, ne font que rejeter sur eux la faute de la dégradation de leurs conditions de vie et de leur environnement. Ils ne font que les rendre responsables de leur inconfort.

Il faut donc conforter et même faire mieux connaître cette vocation environnementale de la chasse, en s’appuyant notamment sur des études scientifiques.

Question 5 : la diversité des modes de chasse

La chasse en France se caractérise par une diversité, inégalée en Europe, de ses pratiques cynégétiques, inscrites dans une longue tradition et justifiées par la diversité des espèces, des espaces et des cultures régionales. Ces pratiques sont en outre codifiées par le droit positif et elles s’exercent dans le cadre d’une éthique. Elles forment un bloc auquel tous les chasseurs sont attachés, même s’ils ne pratiquent chacun qu’un nombre limité de ces modes de chasse. Pouvez-vous vous engager à maintenir tous ces modes de chasse sans exception, dès lors qu’ils répondent aux conditions ci-dessus énoncées ?

La diversité qu’incarnent les chasseurs trouve un véritable écho dans ma conception d’une société française dynamique, équitable, juste et fière. Pour les chasseurs, cette diversité s’exprime notamment dans ses méthodes ; je respecte donc la chasse dans toutes ses pratiques. Mais sous réserve, évidemment, qu’elles respectent une éthique, notamment au regard du respect des animaux et je sais que vous avez de vraies règles en la matière et que vous aimez les animaux.

Il y a cependant encore, il faut l’avouer, quelques efforts à faire sur ce sujet pour la chasse à courre et la chasse aux blaireaux. On a remarqué des excès et des maltraitances d’animaux auxquels il faut absolument mettre un terme pour ne pas prêter le flanc à des critiques qui seraient alors justifiées.

II. La chasse, une pratique et un espace à partager

Question 6 : la légitimité de l’acte de chasse

L’acte de chasse peut susciter le rejet sur le terrain de la sensibilité animale. En revanche, pour le chasseur, c’est un acte de passion, un acte de prédation inscrit dans les origines de l’homme et un acte de gestion de la faune. Dans le respect de l’éthique que s’impose aujourd’hui la très grande majorité des chasseurs, reconnaissez-vous la légitimité sociale et culturelle de l’acte de chasse ?

L’image de la chasse est en effet écornée par l’association d’idées injuste qui est faite entre la chasse et la condition animale. L’image véhiculée tant sur les chasseurs et l’acte de chasse lui-même que sur l’utilisation des armes doit être améliorée. Il faut donner aux associations de chasseurs, aux fédérations, les moyens de mener à bien cette mission pédagogique qui doit s’adresser tant aux non-chasseurs qu’aux jeunes apprentis chasseurs. Et nombreux sont ceux, parmi les chasseurs, j’en suis sûr, qui souhaitent transmettre leur savoir, leur tradition, leur passion. Ils doivent expliquer que l’acte de chasse est un acte de communion avec la nature et non pas un acte d’affirmation d’une quelconque supériorité ou de satisfaction d’instincts primaires. C’est un acte lié à l’homme depuis la nuit des temps, c’est une pratique culturelle, c’est une tradition.

Question 7 : plus de gestion contractuelle plutôt que de contraintes réglementaires

La réglementation de la chasse croît à proportion inverse de l’effectif des chasseurs, les tentatives louables de « simplification administrative » ne produisent encore que de modestes résultats. Pourtant, sur l’initiative des chasseurs, des succès notables peuvent être enregistrés : guichet unique, ouverture anticipée de la perdrix. Il reste donc à engager une révolution tranquille en remplaçant progressivement les contraintes réglementaires par des objectifs de gestion par espèces et par unité cynégétique appropriée. Partagez-vous cette démarche fondée sur une approche contractuelle ?

Tout à fait, je suis profondément convaincu que c’est par la concertation entre toutes les parties concernées et au plus près des problèmes que se nouent des compromis durables. La gestion contractuelle trouve donc un écho très fort dans ma volonté d’une plus grande déconcentration. Elle est préférable à des lois et des règles imposés par Paris et souvent mal compris et mal acceptés. On l’a vu avec la réintroduction de l’ours, notamment. Les chasseurs ont pourtant prouvé qu’ils étaient capables de proposer des solutions utiles et efficaces et ils sont parmi ceux qui sont les mieux à même de fixer des règles en matière de gestion des espèces. Je préfère donc bien plus la gestion contractuelle que les contraintes réglementaires. Et ça vaut aussi pour la délicate question de la fixation des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse. Je pense qu’une négociation au niveau de chaque département sous la supervision du préfet apporterait des solutions acceptables.

Question 8 : recruter de nouveaux chasseurs pour transmettre une passion de la nature

La chasse est à la fois une passion de la nature inscrite dans notre tradition nationale et un facteur de cohésion sociale. Elle doit donc être transmise, dans un monde privé de repères, grâce au recrutement de nouveaux chasseurs. Jeunes gens ou jeunes retraités, femmes ou citoyens issus de l’immigration, le renouvellement et la diversification sont un défi que le monde de la chasse est en train de relever. Partagez-vous cette analyse et quelles mesures envisagez-vous de prendre à cet effet, qu’il s’agisse par exemple d’une plus grande souplesse dans l’organisation des épreuves du permis de chasser, d’une diminution de la redevance pour les premiers permis, d’un encouragement à la chasse accompagnée etc… ?

Pour tout ce qu’elle apporte de positif à la nature, pour toutes les valeurs qu’elle transmet à ceux qui la pratiquent, la chasse doit être encouragée. Cet encouragement prend diverses formes et je pense notamment à la chasse accompagnée qui reste essentielle dans la transmission de ces valeurs. Je pense que l’idée de diminuer la redevance pour les premiers permis pour les jeunes est une autre bonne idée qu’il faut creuser en s’inspirant de ce qui a été fait en matière de pêche.

Question 9 : l’indispensable réciprocité et l’équilibre dans la concertation

La pratique de la chasse est soumise à une concertation ouverte à des intervenants toujours plus nombreux, du niveau national au niveau local. En revanche, souvent les chasseurs ou d’autres véritables acteurs du monde rural et de l’environnement ne sont pas représentés dans les instances ayant en charge la gestion de la nature et des activités qui y sont pratiquées. Cette asymétrie n’est pas acceptable au regard du rôle joué par les chasseurs dans la gestion des espaces et des espèces. Le principe de la réciprocité doit donc être affirmé dans la pratique quotidienne de l’action administrative. Pouvez-vous vous engager en ce sens, qu’il s’agisse par exemple de la protection de la biodiversité, de la ruralité, des activités de pleine nature ou de la protection et de la gestion des espaces classés à des titres divers ?

Encore une fois, je suis extrêmement attaché à la plus grande déconcentration possible, déconcentration que je considère comme un préalable nécessaire à la recherche d’un consensus local. C’est la gestion au plus près des problèmes qui permet l’élaboration de compromis durables entre toutes les parties concernées.

Ainsi conformément au principe de réciprocité, ces efforts que les chasseurs ont faits et sont encore prêts à faire doivent être reconnus par tous et notamment l’Etat et ses administrations. Les chasseurs doivent être des interlocuteurs à part entière du monde rural. Ils doivent donc pouvoir être consultés sur des décisions qui les touchent même s’il ne s’agit pas directement de questions de chasse. En matière d’utilisation des espaces, je pense à la problématique du droit de propriété, érigé en droit supérieur à tout autre. Pourtant, je pense que ce n’est pas un droit absolu et illimité. Il ne doit subir de restrictions qu’au nom de l’intérêt général. En matière de développement de l’espace rural, les chasseurs doivent pouvoir être soutenus comme acteurs à part entière mais également être consultés sur des projets visant à la diversification des activités agricoles. En matière environnementale, également, ils ont leur mot à dire ne serait-ce que par le lien très fort qui les lie à notre environnement.

Les discussions autour des questions de gestion de l’eau intègrent bien les représentants des pêcheurs. Ils devraient en être de même pour les chasseurs.

Question 10 : le partage temporel de l’accès à la nature

Le « mercredi sans chasse » avait été institué pour stigmatiser les chasseurs. Il a été supprimé peu de temps après, dans une quasi-indifférence générale des autres utilisateurs des espaces naturels. Cependant, des nouveaux départements, en fonction de leurs spécificités respectives, ont établi des jours sans chasse dans un double souci d gestion des espèces et/ou de partage des espèces. Pouvez-vous vous engager à ne pas rétablir de mesures autoritaires de fermeture de la chasse à date fixe, ainsi qu’à favoriser la recherche de consensus locaux, plus particulièrement en zone périurbaine, en cas de conflits d’usage ?

En matière de partage temporel d’accès à la nature et donc de fixation de dates de chasse, je crois qu’il faut être pragmatique. Même si l’Europe ne bénéficie pas toujours d’une excellente image dans notre monde rural, elle sait faire et apporter beaucoup de choses. C’est pourquoi je la soutiens de toutes mes forces et notamment pour son principe fondateur de subsidiarité. Un juste retour à l’esprit des traités initiaux fondés sur ce principe suffirait selon moi à lever les contradictions entre le droit communautaire et le droit national. C’est un principe d’une logique toute simple : chacun doit faire ce qui le concerne et ce qu’il sait le mieux faire. Ainsi, ce qui concerne l’Europe en tout ou en partie doit être soumis à discussion et à décision entre les Etats concernés, à travers les directives auxquelles le guide interprétatif serait intégré - je pense notamment à la chasse aux oiseaux migrateurs qui ne peut être une question franco-française. Pour le reste, comme la chasse aux oiseaux non migrateurs et aux mammifères, chaque Etat s’en occupe, selon ses particularités.

Et encore, une fois, c’est au niveau local, par la discussion et la mise en présence des parties que pourra se nouer un compromis durable et acceptable par tous.

Question 11 : la préservation des territoires et des paysages

Une nature vivante, riche et diverse, exige une utilisation rationnelle de l’espace. Les chasseurs sont, par définition, les défenseurs de cette nature et de ses écosystèmes, qu’ils soient rares ou banals. Ils s’engagent pour qu’il soit mis un terme à la destruction des zones humides, au mitage de l’espace par un urbanisme sans réel contrôle, à l’agrandissement sans fin des parcelles culturales et à son cortège de destruction de haies, rus et bosquets, à la défiguration des paysages comme à la surfréquentation de certains sites. Ils regrettent que les décisions d’utilisation des sols, au sens large, ne prennent pas en compte la faune sauvage. Partagez-vous ces constats et cette ambition, et comment entendez-vous mettre un terme au gaspillage de l’espace et des paysages ?

Question 12 : un partage équitable de l’accès aux espaces naturels

Les chasseurs aiment la nature, souhaitent partager leur savoir et leur expérience avec les autres utilisateurs de ces territoires et ne revendiquent aucun monopole d’usage sur ces espaces naturels. En revanche, ils attendent une égale compréhension, un égal respect et une égale réciprocité de ces autres utilisateurs. Par ailleurs, ils refusent la socialisation rampante de l’accès aux espaces naturels qui octroie des droits aux utilisateurs occasionnels et laisse tous les devoirs (entretien, fiscalité, responsabilité civile etc…) aux propriétaires privés ou publics. Quelles réflexions entendez-vous conduire pour mettre un terme aux dérives constatées et favoriser un partage équitable de l’accès aux espaces naturels ?

Ces deux questions sont, pour moi, étroitement liées. Les usagers de la nature sont nombreux et s’ils aiment la nature, c’est chacun à leur façon. Chacun a alors intérêt à défendre, au mieux et selon ses pratiques, cet environnement. Et ce dans un contexte malheureusement contraint par la raréfaction des terres disponibles. Il faut donc trouver des solutions pour une utilisation rationnelle de l’espace qui permette la satisfaction des besoins en logement, en nourriture, en énergie d’une part et l’utilisation de la nature comme source de loisirs et de tourisme d’autre part. L’arbitrage n’est certes pas facile. Il faut une vision à long terme et celle-ci ne pourra être élaborée que grâce à une concertation totale et à deux niveaux, national et local.

Dans ce cadre, se pose alors notamment la question du droit de propriété, je l’ai déjà dit. Personnellement, je ne le considère pas comme absolu. Etant donné les nécessités, il doit aujourd’hui être confronté et soumis au principe de l’intérêt général.

Question 13 : intégration de l’« écoconditionnalité » et de la nature « ordinaire »

L’agriculture française est une agriculture de production qui, depuis plus de 50 ans a considérablement réduit les habitats de la faune sauvage. La prise en compte de l’environnement dans les politiques agricoles est récente à travers la conditionnalité des aides de la PAC mises en œuvre en 2005 par l’Europe. L’application française en a considérablement réduit l’impact en se focalisant sur la problématique de l’eau aux dépens de la biodiversité.

Les politiques nationales environnementales actuelles sont dirigées vers une biodiversité remarquable (espèces patrimoniales, sites remarquables) concentrée sur des sites précis. L’ensemble de la faune et du territoire national « ordinaire » sont délaissés.

Etes-vous prêt à mettre en place une politique concrète en faveur des habitats de la faune sauvage commune concernant l’ensemble du territoire national ; politique dans laquelle les chasseurs seraient enfin reconnus comme force de proposition et l’écoconditionnalité mieux intégrée aux aides agricoles ?

Comme je l’ai dit, je souhaite que l’« écoconditionnalité » soit mieux et davantage intégrée dans les pratiques agricoles au travers de la PAC. Les agriculteurs ont déjà fait de grands efforts, ce n’est pas à négliger. Mais il ne faut pas baisser la garder, il faut même redoubler d’attention et d’efforts. D’autant que cette écoconditionnalité est principalement dirigée vers des efforts en matière de gestion et de protection de la ressource aquatique. D’autres volets sont alors négligés, et c’est le cas de la biodiversité. Ou alors celle-ci répond à la logique de « sanctuaires » que je mentionnais et qui peut avoir un impact négatif en terme de développement économique de certaines zones mais entraîne également un déséquilibre dans la protection des zones et des environnements et finit par nier certaines réalités et certains besoins.

Il faut donc aller dans le sens d’une meilleure prise en compte des enjeux de la biodiversité dans le cadre de l’écoconditionnalité européenne et de la politique nationale à mettre en œuvre.

Question 14 : la tutelle ministérielle de la chasse et la réforme de l’Etat

Le ministère de l’environnement, créé dans une logique de protection et de contrôle, est par construction, mal à l’aise pour gérer au quotidien la chasse, activité à caractère culturel, économique, dans une logique de gestion d’une ressource naturelle. Le ministère de l’agriculture, créé pour développer la production agricole et forestière et pour protéger l’élevage par une politique vétérinaire nécessairement stricte, s’il paraît plus proche des chasseurs, ne semble pas toujours en mesure d’assurer une tutelle efficace et de la chasse. Les cotutelles mises récemment en place, notamment au niveau de l’ONCFS, n’ont pas encire produit de résultats perceptibles. La réforme de l’Etat étant à l’ordre du jour, des solutions innovantes pourraient être envisagées. Dans cette perspective, avez-vous réfléchi à un positionnement ministériel original de la chasse et, à défaut, à quel ministère traditionnel envisagez-vous de la rattacher ?

Il est effectivement nécessaire de clarifier cette question, il faut absolument trancher la question de la tutelle ministérielle. Actuellement, les chasseurs dépendent du ministère de l’environnement et malgré leur attachement à cette thématique, ils pourraient également tout à fait prétendre à être rattachés au Ministère de l’Agriculture. Ce qui aurait bien autant de sens. Pour autant, l’une et l’autre solution ne sont pas pleinement satisfaisantes. Alors pourquoi ne pas imagine une co-tutelle ? Ce système a déjà été expérimenté et s’il est encore un peu récent pour pouvoir présenter des résultats tangibles, il s’appuie encore une fois sur les principes de mise en présence, de discussion et de négociation entre les deux instances supérieures responsables des domaines qui vous sont les plus proches. Faisons confiance, à la concertation et à la négociation. Une telle organisation serait pleinement justifiée et elle vous permettrait, en outre, et ce n’est pas négligeable, de bénéficier d’un double financement public.

Question 15 : une police de la chasse plus efficace

Les chasseurs de France souhaitent une police plus efficace permettant une gestion sereine et durable des espèces et des espaces. Cette efficacité exige une meilleure coordination par les préfets des corps de fonctionnaires concernés, en relation étroite avec les fédérations départementales. Elle appelle en outre un renforcement de la police de proximité assurée par les gardes particuliers. Quelles mesures entendez-vous prendre pour optimiser cette coordination et cette complémentarité de terrain ?

La police de la chasse est un thème délicat mais central tant la chasse et les chasseurs sont régulièrement stigmatisés, à l’occasion d’un accident ou d’un fait divers les mettant en scène. L’examen de la loi sur l’eau a permis de relancer ce débat sur la forme que doit prendre la police de l’eau. La problématique est la même pour la chasse. Finalement, doit-il n’y avoir qu’une « super-police » de la nature, sous l’autorité de la gendarmerie, avec des hommes et des femmes spécialement formés à contrôler et à sanctionner toutes les infractions aux règles d’utilisation de la nature, de la forêt, à l’eau, en passant par les sols, les plantes… Un tel système permettrait de donner aux agents une vision plus globale de leur mission et une appréciation plus juste des infractions et des sanctions à appliquer.

Ou doit-il y avoir une police spécialisée dans chaque activité qui touche, de près ou de loin la nature ? La chasse a-t-elle besoin de gardiens qui lui seraient uniquement dédiés ? Ils seraient ainsi extrêmement précis mais pourraient perdre en vision d’ensemble.

C’est donc un débat qu’il faut avoir sur ce thème précis de la police de la chasse, notamment avec la Fédération nationale des chasseurs, et dans l’optique, évidemment, d’une meilleure sécurité des personnes, d’une meilleure gestion des espèces et d’une meilleure protection de la nature. Et je suis convaincu que comme les chasseurs ont su le faire jusqu’ici pour d’autres sujets bien plus délicats, ce sera dans le dialogue, la concertation et la négociation que sera élaboré le bon compromis.

Question 16 : la poursuite du recentrage de l’ONCFS

La coexistence d’une structure associative puissante et d’un établissement public dynamique est un atout majeur pour assurer l’avenir de la chasse en France. Cet atout ne sera pleinement exploité que si trois conditions continuent à être remplies : la confiance réciproque au service d’une chasse durable, la complémentarité des missions et le financement par l’Etat des missions régaliennes et patrimoniales de l’ONCFS ou la diminution des redevances du permis de chasser à due concurrence. Pouvez-vous vous engager à garantir confiance, complémentarité et cofinancement ?

L’organisation de la chasse en France est pour moi un vrai modèle et elle reflète tout à fait le type d’organisation que je souhaite pour la France : un maillage du territoire dense et une structure nationale forte. Mais une bonne organisation ne peut se passer d’un financement adéquat et pérenne. C’est là, en matière de chasse, une question très délicate. Je pense qu’il va falloir poursuivre et amplifier une véritable clarification. Et je pense notamment au financement de l’ONCFS. Il n’était pas normal que les chasseurs supportent 100% de son budget alors qu’il s’agit d’un organisme chargé d’un service public plus large que les seules espèces chassables. L’Etat doit participer à ce financement. C’est plus que justifié. Heureusement, les choses ont évolué mais nous sommes toujours bien loin du compte. On est toujours plus proche du 75-25 que du deux-tiers un tiers qui serait plus juste.

Je suis donc tout à fait pour le co-financement. Mais je suis tout autant pour la complémentarité. D’autant plus que les missions de l’ONCFS ne touchent pas exclusivement les chasseurs. Et je suis bien sûr aussi pour la confiance.

Question 17 : l’avenir de la chasse aux migrateurs

Les chasseurs de migrateurs, en particulier de gibier d’eau, apportent une contribution significative à l’entretien des zones humides, à la veille sanitaire et à la connaissance des espèces. Cette contribution, souvent méconnue, perdure alors même qu’ils ont subi de lourdes contraintes depuis plusieurs années (réduction des périodes de chasse, réglementation des appelants, interdiction du plomb, influenza aviaire etc). Il importe donc aujourd’hui de mettre un terme aux réductions des périodes de chasse, aux méthodes aléatoires d’estimation de l’état de conservation des espèces, de donner un statut juridique clair au guide interprétatif de la directive « oiseaux » et de permettre l’utilisation des appelants dans un cadre sanitaire cohérent. Etes-vous d’accord avec ces trois objectifs ?

Le mot « aléatoire » est très important car il porte en lui l’enjeu de cette question et de toutes celles tournant autour de la chasse. On ne peut décemment pas prendre de bonnes décisions en la matière sans une base scientifique indépendante, claire et précise.

Quels sont les critères de détermination d’espèces en danger ? Quel est le degré de prise en compte de l’évolution des espèces ? Comment combattre la grippe aviaire ? Quels sont les dangers pour les appelants lorsque la menace existe ? Telles sont les questions sur lesquelles nos réponses sont encore trop floues. Il nous faut faire un effort pour nous doter d’un observatoire national efficace et doté de moyens suffisants pour réaliser des études précises et à long terme. Pour la chasse aux grives, nous avons atteint cet objectif, nous disposons d’une base scientifique sûre. Il faut faire la même chose pour les oiseaux migrateurs. Les décisions prises sont ainsi mieux adaptées à la réalité. C’est aussi comme cela que l’irritant problème des dates de chasse pourra être résolu.

Question 18 : responsabilité de l’Etat du fait de la prolifération de certaines espèces protégées.

Certaines espèces protégées commettent de plus en plus de dégâts (cormorans et piscicultures, flamants roses et rizières, loups et troupeaux). Le Conseil d’Etat a ainsi été conduit à poser le principe de la responsabilité financière de l’Etat dans la réparation des préjudices commis par des espèces animales protégées. Mais ce principe ne s’applique que par voie d’action judiciaire. Entendez-vous reconnaître législativement ce principe et mettre ainsi en place une procédure simple d’indemnisation ? Parallèlement, pour éviter des dépenses inutiles, quelles initiatives envisagez-vous de prendre pour permettre une régulation des effectifs des espèces protégées qui commettent des dégâts ?

Accepter l’interaction, c’est reconnaître que les uns agissent sur les autres et réciproquement. On parle facilement de l’incidence de la chasse sur les populations et les habitudes de vie de certains oiseaux par exemple mais on parle un peu moins des conséquences dévastatrices que peuvent avoir certains animaux comme les cormorans.

C’est parce que je défends moi-même l’idée d’interaction entre les différents usagers de la nature et d’un lien entre chasse et agriculture que je comprends très bien le principe que défendent les chasseurs d’une reconnaissance législative de l’indemnisation, par l’Etat, des dégâts causés par certaines espèces protégées. Si l’Etat crée un déséquilibre d’un côté en protégeant certaines espèces, il est responsable de l’aide à apporter aux victimes du déséquilibre créé par ces espèces protégées. Cela semble normal.

Question 19 : la chasse et la sécurité publique

Depuis plus de 10 ans, les fédérations des chasseurs font des efforts sans précédents pour imposer des règles drastiques de sécurité et mieux former les nouveaux chasseurs avec l’obligation d’un examen pratique du permis de chasser. Grâce à cette mobilisation permanente, la chasse n’est pas une activité plus dangereuse que bon nombre d’activités de loisir et de sports de nature, malgré l’utilisation d’armes à feu et le développement de la chasse au grand gibier.

Partagez-vous cette analyse, ou pensez-vous qu’il faut imposer de nouvelles contraintes de sécurité publique pour les chasseurs, lorsqu’ils pratiquent leur activité dans la nature ?

Je sais que les chasseurs ont fait de gros efforts et ils ont ainsi pu faire la preuve de leur responsabilité en améliorant la sécurité et en proposant des solutions pour mieux encadrer leur activité et rassurer la population.

Pour autant, il serait faux de dire que la chasse est une activité non dangereuse ; le fait qu’elle utilise des armes la rend forcément plus dangereuse que le tennis ou la voile. Et la réglementation que vous avez mise en place le prouve bien.

Mais les chasseurs ne sont ni des gangsters ni des irresponsables. Je pense donc que la législation et les contraintes se sont bien renforcées ces dernières années pour assurer une bonne sécurité publique. Faisons une pause avant de voir s’il faut encore les faire évoluer.

Question 20 : le statut de l’animal

Les chasseurs nourrissent un profond respect pour toutes les espèces animales, sauvages ou domestiques, et cultivent une complicité affective avec elles. Ils revendiquent une bien-traitance pour les animaux domestiques et une éthique pour les animaux sauvages. Ils récusent en revanche l’humanisation rampante de l’animal et l’assimilation du sauvage au domestique. Ils estiment que les lois en vigueur, peut-être mieux appliquées, sont efficaces et que les lois supplémentaires ne feraient qu’alimenter une démagogie dangereuse. Pouvez-vous vous engager à maintenir en l’état le dispositif juridique en vigueur de protection des animaux en l’appliquant de manière plus efficace ?

Je sais à quel point les chasseurs aiment les animaux, quoi que certains puissent en dire. Contrairement à l’image caricaturale largement véhiculée par les « anti-chasse », les chasseurs ont une vraie éthique en ce qui concerne leur lien à l’animal. Je pense qu’ils gagneraient à faire connaître leur position qui est finalement mesurée et de bon sens : il faut prendre en compte le bien-être animal, il faut refuser les souffrances inutiles mais il faut raison garder et ne pas pour autant déséquilibrer la relation homme-animal, et assimiler animaux sauvages et animaux domestiques. Les chasseurs pâtissent encore trop d’une image de brute sans cœur et assoiffé de puissance. Il faudrait élaborer une charte éthique, expliciter les règles tacites de la chasse, diffuser l’information pour que la chasse et les chasseurs soient mieux compris.

Question 21 : la réglementation des armes de chasse

Avec 20 décrets et arrêtés en 20 ans, la réglementation française sur les armes est devenue l’une des plus compliquées et des plus contraignantes d’Europe, notamment pour les chasseurs. C’est à chaque fois à la suite d’un fait divers dramatique que la réglementation s’est durcie, alors qu’il s’agissait presque toujours d’une absence d’application des lois et règlements existants.

Etes-vous favorable à l’arrêt de la suréglementation dans le domaine des armes de chasse et à une simplification des procédures de contrôle existantes pour les détenteurs légaux d’armes à feu que sont les chasseurs ?

La question des armes est un sujet extrêmement sensible car c’est l’un des plus visibles et ce thème ressurgit à chaque fois qu’un drame se produit. Les chasseurs doivent donc faire œuvre de pédagogie en la matière. Ils ne sont pas des gangsters. Détenir une arme de chasse et s’en servir ne fait pas de son détenteur un voyou potentiel. On ne braque pas une banque avec un fusil de chasse. Et avec les nouveaux moyens de commandes par internet, il est devenu très facile de se procurer une arme de poing ou d’assaut. On trouve, même sur les marchés, un grand nombre d’armes mais certainement bien plus de kalachnikov que de fusils de chasse. Il faut cesser de faire un amalgame injuste et injustifié par peur de la violence. Et c’est aux chasseurs de contribuer à détruire cet amalgame.

En outre, les contrôles sont drastiques et la législation s’est considérablement et abusivement renforcée ces dernières années. A tel point, d’ailleurs, qu’une pause serait la bienvenue et qu’avant de laisser s’accumuler et se complexifier encore davantage les règles, il faut déjà appliquer celles qui existent.

Aucun commentaire: